Modèles à interfaces diffuses pour les écoulements liquide-vapeur avec changement de phase

D. Jamet, C. Fouillet et P. Ruyer


CEA Grenoble

FRANCE

Les écoulements liquide-vapeur avec changement de phase sont parmi les plus difficiles à simuler numériquement. Les raisons à cela sont multiples et tiennent à la fois à des difficultés de formalisme et de traitement numérique, ces deux difficultés n'étant pas nécessairement décorrélées. Dans le domaine de la simulation numérique directe de ce type d'écoulements, plusieurs méthodes différentes sont en cours de développement et aucune n'a encore donné entière satisfaction. La difficulté principale commune à toutes ces méthodes tient au traitement numérique des interfaces.

Parmi ces méthodes, les méthodes à interfaces diffuses sont basées sur une modélisation des interfaces comme des zones volumiques de transition à travers lesquelles les grandeurs physiques varient fortement mais néanmoins de manière continue. Cette modélisation des interfaces présente a priori deux avantages. D'une part, l'étalement des interfaces, en général nécessaire numériquement, n'est pas numérique mais physique ; on est par conséquent amené à se poser la question de l'interprétation des variables physiques au sein des interfaces étalées au moment de la modélisation et non au moment de la résolution numérique. D'autre part, puisque les grandeurs physiques sont continues, un seul système d'équations est nécessaire pour décrire le mouvement de l'ensemble du système, i.e. celui des phases mais également celui des interfaces. L'extension de la résolution numérique en trois dimensions est alors très simple.

La méthode du second gradient est une méthode à interface diffuse dédiée aux écoulements liquide-vapeur avec changement de phase. Cette méthode est basée sur la théorie de van der Waals de la capillarité pour laquelle la masse volumique est considérée comme paramètre d'ordre. Des développements récents (voir ci-dessous) ont permis d'appliquer cette méthode à des problèmes d'ébullition nucléée. En outre, elle a été généralisée à la modélisation de mélanges binaires, ce qui a permis de confirmer la grande influence de la présence d'un constituant supplémentaire sur le coefficient d'échange thermique pariétal, comme cela a été observé expérimentalement. Ces résultats montrent que, malgré les difficultés de modélisation associées aux méthodes à interfaces diffuses, il est possible de les utiliser pour résoudre des problèmes couplés complexes. Il faut remarquer qu'il en est de même pour les méthodes dédiés aux transitions de phase liquide-solide.

Ces développements ont en outre permis de mettre en évidence une difficulté importante liée à toutes les méthodes à interfaces diffuses. Cette difficulté est liée au choix et à l'interprétation du paramètre d'ordre. En effet, le choix le plus naturel d'une variable physique comme paramètre d'ordre (e.g. la masse volumique dans le cas des interfaces liquide-vapeur) donne à cette variable deux fonctions: sa fonction physique première macroscopique que l'on ne souhaite pas modifier (e.g. la masse volumique) et une fonction microscopique puisqu'il permet de gérer l'épaisseur des interfaces, caractéristique que l'on souhaite modifier pour des raisons numériques. On montre en quoi cette double fonction engendre des difficultés pour certains types de problèmes particulièrement importants pour les transitions de phase. On montre en outre que ces difficultés peuvent être contournées grâce à l'introduction d'un paramètre d'ordre numérique. Bien que difficile à appréhender, on montre que cette notion permet de rendre au paramètre d'ordre physique naturel sa seule fonction macroscopique, la gestion de l'épaisseur des interfaces étant assurée par le paramètre d'ordre numérique. En outre, elle peut apporter un éclairage nouveau pour la compréhension de méthodes plus classiques telles que VOF et Front-Tracking.


C. Fouillet, Généralisation à des mélanges binaires de la méthode du second gradient et application à la simulation numérique directe de l'ébullition nucléée, Université Paris 6, 2003.
C. Fouillet and D. Jamet and D. Lhuillier, A continuous interface model for the direct numerical simulation of phase-change in two-component liquid-vapor flows, 2002 Joint ASME/European Fluid Engineering Division Summer Conference, Montreal, Canada, July 14-18, 2002.
C. Fouillet and D. Jamet and D. Lhuillier, Application de la méthode du second gradient à la simulation numérique directe de l'ébullion nucléée, 16\`eme Congr\`es Fran\c{c}ais de Mécanique, Nice, France, September 1-5, 2003.