Marianne Akian (INRIA Rocquencourt)
Vendredi 5 septembre 1997
La version de la théorie de Perron-Frobenius est peut-être le problème le plus étudié et le plus utilisé de l'algèbre . Il est d'autant plus intéressant qu'il diffère de son analogue classique : les propriétés spectrales d'une matrice dépendent non seulement du graphe associé à cette matrice, mais aussi d'un sous-graphe appelé graphe critique. En particulier, une chaîne de Bellman, l'analogue d'une chaîne de Markov, peut avoir plusieurs mesures invariantes, même si elle est irréductible. On peut donner l'explication suivante : l'algèbre , c'est-à-dire le demi-corps , peut s'obtenir comme limite, de type grande déviations, du demi-corps des réels positifs. Le problème spectral est donc limite du problème spectral positif, et donc éventuellement dégénéré. Ces limites ont un intérêt en soi, puisqu'elles apparaissent notamment dans la méthode de l'opérateur de transfert en Mécanique Statistique, lorsque la température tend vers 0. Dans un travail récent avec Ravindra B. Bapat de l'Indian Statistical Institute (New Delhi) et Stéphane Gaubert de l'INRIA, nous avons étudié plus précisément ces asymptotiques, éclairant ainsi encore les rapports entre les deux théories spectrales.
Plus précisément, étant donnés une matrice irréductible à coefficients dans et p>0, la matrice à coefficients positifs est irréductible. D'après le théorème de Perron-Frobenius, admet une unique valeur propre associée à un vecteur propre à coefficients positifs , unique sous la normalisation . Le développement de Puiseux de la valeur propre, assure l'existence des limites et , quand p tend vers l'infini. Elles sont solutions du problème spectral dans . Utilisant l'analogue du théorème de Perron-Frobenius, on obtient que la limite est l'unique valeur propre de A. De plus, si le graphe critique de A est fortement connexe, U est l'unique vecteur propre normalisé de A. Dans le cas contraire, A a plusieurs directions propres. Nous pouvons néanmoins construire une suite de graphes critiques imbriqués caractérisant le vecteur propre sélectionné par l'asymptotique. Cette construction généralise, en un certain sens, au cas de matrices positives, les résultats de la théorie de Wentzell-Freidlin concernant l'asymptotique de matrices de Markov (dont seuls les coefficients non diagonaux sont exponentiels).
Cet exposé sera un survey des résultats anciens et nouveaux
en théorie de Perron-Frobenius.