L'affaire NK603
Les conclusions de l'étude
Autres études, autres conclusions
L'attitude de certains médias
La crédibilité des scientifiques
Monsieur Paul Deheuvels s'indigne !

 

La crédibilité des scientifiques

y'a quelque chose qui cloche là-dedans !


Nous sommes confrontés à une situation paradoxale où l’expertise est reconnue comme incontournable par tous pour évaluer les risques sanitaires liés aux OGM, mais où les scientifiques ont énormément de mal à se faire entendre... et à être écoutés !

Il y a ainsi plusieurs choses vraiment frappantes pour un scientifique dans cette histoire :

1) Tout commentaire d’ordre purement scientifique est systématiquement assimilé à une prise de position !

J’en ai moi-même fait l’expérience à plusieurs reprises :

  • J’ai toujours été critique et intransigeant face à une étude qui prétend démontrer l’absence totale de risques sanitaires liés aux OGM (Le Monde, Les Echos). En effet, la méthodologie statistique mise en œuvre ne permet généralement pas de formuler de conclusions aussi définitives. Pour beaucoup, de telles prises de position « publique » faisaient de moi un anti-OGM !
  • J’ai, de la même façon, toujours été critique et intransigeant face à une étude qui prétend démontrer l’existence de risque sur la base d’arguments incorrects (Inf'OGM). M’exprimer ouvertement en ce sens m’a alors converti en pro-OGM !

Et bien non… comme la très grande majorité de mes collègues, je ne suis manipulé par aucun mouvement anti-OGM, ni par aucun lobby, et je ne suis financé par aucune industrie des biotechnologies. De la même façon que l’on peut dire en toute indépendance que non ! 2 et 2 ne font pas 5 ! on doit pouvoir affirmer que non ! l’expérimentation réalisée ne permet pas de conclure comme le font les auteurs de l’article.

2) Un avis scientifique argumenté n’a guère plus de poids qu’un commentaire infondé !

Tout d’abord, on ne peut pas indéfiniment continuer à accorder le même crédit scientifique à toute étude sous prétexte qu’elle a été publiée dans une revue scientifique internationale avec comité de lecture. Toute la communauté scientifique sait parfaitement bien que les 2 ou 3 referees en charge d’évaluer un article soumis à publication ne sont pas plus compétents que d’autres et qu’il est fréquent que des articles soient publiés alors qu’ils contiennent des imprécisions, des lacunes, voir des erreurs.
Un article publié ne contient pas que des vérités gravées dans le marbre. On en trouve une illustration particulièrement savoureuse dans le même numéro du même journal où un article de Zhu et al.  prétend démontrer l’innocuité d’un maïs OGM tolérant au Glyphosate. On peut ainsi lire dans le résumé « These results indicated that the GM glyphosate-tolerant maize was as safe and nutritious as conventional maize ». Ces deux articles ont suivi le même processus de révision et ont été accepté tous les deux… Tout le monde peut être satisfait puisqu’on peut, au choix :

  • affirmer que les OGM sont des poisons grâce à l’article de Séralini,
  • affirmer que les OGM sont sans danger grâce à l’article de Zhu.

Cet exemple illustre bien le fait que la crédibilité scientifique d’un article peut et doit être continuellement remise en cause. C’est bien évidemment le rôle d’instances comme le Conseil Scientifique du HCB d’émettre un avis scientifique sur le contenu scientifique  de telles études. Mais c’est aussi le rôle de tout scientifique de porter un regard critique sur une étude, même publiée. Lorsqu’il y a une telle controverse, il ne s’agit pas pour la communauté scientifique de distribuer des bons et des mauvais points, de donner raison à l’un et tort à l’autre, mais de faire preuve « d’autorité ». C’est-à-dire rappeler ce que la connaissance scientifique actuelle autorise à dire et écrire.


Dans le cas particulier qui nous intéresse, les très nombreuses faiblesses méthodologiques décrites plus haut sont indiscutables. Aucun statisticien ne peut raisonnablement les réfuter ! Aucun statisticien ne peut justifier rigoureusement les conclusions que l’on trouve dans cet article. Mais qu’importe… certains medias, certains politiques ne s’encombrent visiblement pas de telles considérations pour répéter inlassablement les mêmes contre-vérités.


Plusieurs articles précédents de G.E. Séralini ont été largement médiatisés (sans atteindre le niveau de cet article sur le NK603) mais aussi largement critiqués par la communauté scientifique pour leur manque de rigueur et leurs faiblesses méthodologiques.

Une mémoire bien courte :
Un article de G.E. Séralini paru en 2007 prétendait démontrer la toxicité du maïs MON863.

Une contre analyse de cet étude a été menée et a clairement montrer que cet article comportait plusieurs erreurs (confusion entre effets fixes et effets aléatoires pour analyser les courbes de poids, mauvaise prise en compte de la multiplicité des tests statistiques). Ces erreurs remettent totalement en question les conclusions de l’article qui ne démontre en fait aucun signe de toxicité (je n’affirme pas pour autant que les OGM ne sont pas toxiques : je me contente de dire que l’étude en question ne permet absolument pas de conclure à la toxicité). Ce processus de contre-analyse est tout à fait sain et souhaitable : on peut s’en réjouir et penser que puisqu’il a été démontré que le contenu scientifique de cet article est faux, alors il ne devrait en aucun cas à nouveau être cité pour démontrer une éventuelle toxicité du MON863. Et bien non… certains journaux comme le Nouvel Obs ressortent cette étude 5 ans plus tard sans aucun état d’âme…

La même histoire recommence 2 ans plus tard avec cette fois-ci un nouvel article qui prétend mettre en évidence la toxicité de 3 maïs OGM. Même scenario : des journaux s’emparent de cette étude, n’hésitant pas à parler de « preuve » et de « démonstration » ( !!!)

Une contre-expertise réfute dans la foulée les conclusions de cette étude (toujours pour des raisons méthodologiques…)

 

Malgré ce passif, la nouvelle étude de G.E. Séralini sortie en 2012 a été prise pour argent comptant par la plupart des médias et publiée sans  le moindre contrôle, sans la moindre vérification…

 

Pas de doute… y’a quelque chose qui cloche là-dedans !